1.11.13

Lectures ; Doris lessing " Victoria et les Satevey"

 
Oubliée un soir à l'école, Victoria, une petite fille noire, est recueillie pour une nuit chez les Staveney, une riche famille blanche londonienne, un peu bohème mais bien sous tous rapports, fière de ses idées progressistes. Pauvre et orpheline, la fillette découvre une demeure splendide, un autre univers, et s'éprend en secret du fils aîné Edward. La maison n'est pas très éloignée de la sienne, elle retourne souvent regarder ce symbole d'une vie enchantée qu'elle ne connaîtra jamais. Devenue une ravissante jeune fille, elle a une aventure avec Thomas, le fils cadet, qu'elle n'aime pas, devient mère d'une petite Mary à la peau claire, sans prévenir le père. Soucieuse de donner à Mary une meilleure éducation, elle renoue le contact avec les Staveney quelques années plus tard, alors qu'elle est mère à nouveau d'un petit garçon turbulent à la peau très noire. D'abord surpris, ils accueillent la fillette de plus en plus souvent, les grands-parents de Mary sont en adoration devant elle : ma petite crème caramel, mon petit éclair au chocolat, s'exclame le grand-père. Victoria a-t-elle mesuré les conséquences de sa décision ?
Dans ce court roman, d'une remarquable acuité, Doris Lessing renoue avec les combats de sa vie contre le racisme et l'hypocrisie. D'un mot, d'une phrase, elle débusque les inégalités, suggérant ce qui sépare deux mondes trop différents, les malentendus et les souffrances qui en résultent, même quand chacun fait preuve de bonne volonté. Elle mène l'intrigue avec un art consommé du récit, laisse deviner les sentiments et les doutes, va à l'essentiel sans jamais s'appesantir sur un état d'âme, une tension. La grande dame des lettres anglaise, écrivain engagé aux idées libérales, qui a passé son enfance au Zimbabwe, a reçu le Prix Nobel en 2007. À 91 ans, l'auteur du magnifique Carnet d'or n'a rien perdu de sa verve et jette sur notre époque un regard lucide, résolument moderne.
Victoria et Les Staveney, traduit de l'anglais par Philippe Giraudon, Flammarion, 2010

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